Dans le cadre de la formation continue, CT-AVOCATS a fait participer deux de ses collaborateurs au webinaire portant sur le thème « COMPÉTENCE ET RESPONSABILITÉ DE L’ARBITRE », organisé le 22 septembre 2022 par le Centre de Médiation et d’Arbitrage (CMAG) du Groupement Inter patronal du Cameroun (GICAM).
Il s’agit de :
- Me MOFE WABO Clarine, Avocat-associé CT-AVOCATS ;
- TAMKAM SILATCHOM Guy Armel, Agrégé de droit privé, consultant-permanent CT-AVOCATS ;
C’est une initiative du CMAG qui s’inscrit dans la continuité des « rencontres autour de l’arbitrage » et dont l’objectif est d’imprégner les professionnels sur ce mode de justice privée.
Le thème portant sur « COMPÉTENCE ET RESPONSABILITÉ DE L’ARBITRE » était animé par Maître Martial KOFFI AKAKPO, avocat au barreau du TOGO.
Dès l’entame, il a souligné l’importance de la thématique en montrant que la compétence et la responsabilité sont des données complémentaires qui ont un lien avec l’efficacité de l’arbitrage. L’arbitre étant le personnage central d’une procédure arbitrale, la remise en cause facile de sa compétence et la mise en œuvre fantaisiste de sa responsabilité peuvent fragiliser l’institution.
La compétence peut s’appréhender de deux manières en fonction du domaine dans lequel elle est évoquée. En droit public, elle a un lien avec l’autorité et s’appréhende comme le pouvoir attribué à un agent de remplir sa fonction. En lien avec la justice, c’est l’aptitude pour une juridiction de connaître une affaire. La responsabilité quant à elle est l’obligation pour l’auteur d’un dommage causé à autrui de le réparer.
Après avoir ainsi défini les termes clés, l’exposant a donné les grands axes de sa communication, dont le premier axe porte sur la compétence et le second sur la responsabilité.
Relativement à la compétence de l’arbitre, elle est cristallisée autour du principe de compétence-compétence qui donne le pouvoir à l’arbitre de statuer sur sa propre compétence. Ce principe est prévu à l’article 11 alinéa 1 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage. Aux termes de cet article, « Le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur sa propre compétence, y compris sur toutes questions relatives à l’existence ou à la validité de la convention d’arbitrage ».
Ce principe produit donc un double effet. Son effet positif signifie que le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur les questions relatives à son pouvoir juridictionnel. Ainsi, son effet négatif qui institue une priorité au profit du tribunal arbitral pour se prononcer sur sa propre compétence, impose au juge étatique de se dessaisir en présence d’une convention d’arbitrage.
Ce principe de la compétence-compétence a été réitéré par la CCJA dans deux Arrêts (Arrêts n° 064 du 27 février 2000 et n° 0068 du 27 février 2000). Dans ces Arrêts, la Haute juridiction a réaffirmé très ferment ce principe qui donne le pouvoir à l’arbitre de statuer sur sa propre compétence.
L’exposant a continué sa présentation en indiquant les domaines dans lesquels la compétence de l’arbitre est exclue. Il s’agit du droit de la consommation, du droit du travail dans lequel seuls les compromis d’arbitrage sont acceptés, les matières communicables au Ministère public, les matières qui concernent l’ordre public, etc.
Relativement à la responsabilité de l’arbitre, l’exposant a fait un lien avec le fondement dualiste de l’arbitrage. Il a rappelé que, si le pouvoir de l’arbitre a une source conventionnelle, sa mission est juridictionnelle et cet état de chose à une influence sur le régime de sa responsabilité.
La responsabilité de l’arbitre peut alors avoir une double origine : judiciaire et extrajudiciaire. Pour ce qui et de l’origine judiciaire, la responsabilité de l’arbitre peut être civile ou pénale. Sa responsabilité civile tire son origine du contrat d’investiture et elle est donc contractuelle. Ainsi, comme tout contractant, l’arbitre doit exécuter les obligations qu’il a souscrites. Un arbitre peut donc voir sa responsabilité contractuelle engagée s’il ne respecte pas le délai d’arbitrage.
Mais en raison de sa mission juridictionnelle, l’arbitre bénéfice de l’immunité qui le prémunit contre toute action facile en responsabilité et qui lui garantit la sérénité. Au fait, l’immunité tend à assurer le caractère définitif des sentences arbitrales, en s’opposant à ce que les parties tentent d’agir contre les arbitres chaque fois qu’elles sont mécontentes du contenu de la sentence. D’ailleurs, une telle immunité est attribuée à l’arbitre par les différents droits.
L’OHADA a osé sur la question en faisant bénéficier aux arbitres de la CCJA l’immunité diplomatique. En effet, selon l’article 49 de son Traité fondateur, « (…) les arbitres nommés ou confirmés par la Cour jouissent dans l’exercice de leurs fonctions des privilèges et immunités diplomatiques ». En droit américain, cette immunité est absolue, alors qu’en droit français, elle est limitée. En effet, cette immunité doit être écartée lorsque la faute de l’arbitre est d’une extrême gravité. Il a par exemple été jugé par la Cour de cassation française que l’immunité est écartée lorsqu’est rapportée « la preuve de faits propres à caractériser une faute personnelle équipollente au dol ou constitutive d’une fraude, d’une faute lourde ou d’un déni de justice » (Cass. Civ. 1er, 15 janvier 2014).
Pour ce qui est de la responsabilité extrajudiciaire, l’exposant a regretté le fait qu’il est difficile de parler d’une responsabilité disciplinaire des arbitres dans la mesure où ceux-ci n’appartiennent pas à une corporation. Toutefois, cette responsabilité peut être indirectement appliquée par le centre d’arbitrage qui peut sanctionner les arbitres en les rayant sur sa liste d’arbitres.
Pour conclure, l’exposant a insisté sur l’étendue du préjudice réparable. Pour être réparable, le préjudice doit être la conséquence directe du manquement reproché aux arbitres. Ainsi, par exemple, les frais exposés en raison de l’instance pourront être remboursés, tout particulièrement les honoraires.
Après l’exposé, le webinaire s’est achevé avec les échanges avec les participants. /_