L’injonction de payer est une procédure de recouvrement des créances assez sollicitée dans les États de l’espace OHADA. Outre l’avantage de célérité qu’elle offre aux parties, c’est une procédure efficace pour le recouvrement de certaines créances remplissant un certain nombre de conditions. Prévue par l’Acte portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUVE) de 1998, son régime juridique présentait des inconvénients décriés tant par la doctrine que par la pratique. Il revenait alors au législateur communautaire de le toiletter afin de mettre à la disposition des acteurs un droit de l’injonction de payer plus attractif. C’est justement ce qui a été fait lors de la réforme dudit Acte uniforme en 2023. A l’issue de la réforme, la procédure d’injonction de payer présente un nouveau visage que nous allons exposer dans ce qui va suivre.

  1. La précision de la nature de la décision rendue par le juge

Avant la réforme, Si, au vu des documents produits, la demande lui paraît fondée en tout ou partie, le président de la juridiction compétente rend une décision portant injonction de payer pour la somme qu’il fixe.

La nature de la décision rendue par la juge était donc une décision portant injonction de payer. Cette terminologie ne rendait pas suffisamment compte de la nature de la décision qui était bien une ordonnance. La vacuité de la notion de décision  portant injonction de payer posait alors de sérieux problèmes dans la pratique. C’est pourquoi dans le nouvel Acte uniforme, le législateur a choisi judicieux d’utiliser le terme ordonnance portant injonction de payer pour refléter la nature de la décision rendue.

  1. Le cantonnement du pouvoir du juge dans les délais

Avec la réforme, un délai est désormais imparti au président de la juridiction compétente ou au juge délégué par lui pour rendre l’ordonnance portant injonction de payer.  Ce délai est de trois jours à compter de sa saisine (Article 5 al. 1). Cette solution est certainement justifiée par la célérité qui caractérise la procédure.

  1. L’obligation de motivation de la décision de rejet

Il ressort du nouvel Acte uniforme qu’en cas de rejet en tout ou partie de la requête, l’ordonnance doit être motivée (Article 5 al. 2). Cette précision n’était pas faite dans la version de 1998. Le juge pourra alors par exemple se baser sur le non-respect des conditions de l’injonction de payer pour motiver sa décision. Toutefois, la décision de rejet n’ayant pas autorité de la chose jugée, le créancier peut introduire une nouvelle demande en corrigeant l’erreur qui a justifié le rejet.

  1. La précision des conséquences de l’annulation de la signification de l’ordonnance

L’article 8 de l’AUVE (Nouveau)  prévoit les conditions dans lesquelles la signification de l’ordonnance d’injonction de payer doit être effectuée.

« A peine de nullité, la signification de l’ordonnance portant injonction de payer contient sommation d’avoir dans un délai de 10 jours :

  • soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par l’ordonnance ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé ;
  • soit, si le débiteur entend faire valoir des moyens de défense, à former opposition.

Sous la même sanction, la signification :

  • indique le délai dans lequel l’opposition doit être formée, la juridiction devant laquelle elle doit être portée et les formes selon lesquelles elle doit être faite ;
  • avertit le débiteur qu’il peut prendre connaissance, au greffe de la juridiction compétente dont le président a rendu l’ordonnance d’injonction de payer, des documents produits par le créancier et, qu’à défaut d’opposition dans le délai indiqué, il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par toutes voies de droit à payer les sommes réclamées».

Ainsi, en cas de non-respect de ces conditions,  la sanction est la nullité de l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer. Le législateur dans la première version de l’AUVE ne faisait aucune précision quant aux conséquences de cette nullité par la juridiction compétente. Le juge pouvait-il examiner le litige après s’être prononcé sur la nullité ? La nouvel Acte uniforme apporte des précisions en ces termes : « Lorsque la juridiction compétente annule l’acte de signification, il ne peut statuer sur le fond » (article 8-1 nouveau).

Cette précision du législateur se comprend aisément dans la mesure où l’acte de signification étant annulé, on considère que l’ordonnance d’injonction de payer est censée n’avoir jamais été signifiée et la procédure de signification pourra être reprise si le délai le permet. C’est pourquoi le législateur indique à l’alinéa 2 de l’article 8-1 nouveau que le créancier peut signifier à nouveau l’ordonnance d’injonction de payer si le créancier est encore dans le délai de trois mois  indiqué par l’article 7.

  1. La réduction du délai d’opposition

Contrairement à la première version de l’AUVE qui fixait le délai d’opposition à 15 jours qui suivent la signification de l’ordonnance portant injonction de payer, le nouvel Acte uniforme a réduit ce délai à 10 jours. Cette réforme poursuit en indiquant que « Toutefois, si le débiteur n’a pas reçu personnellement la signification de l’ordonnance portant injonction de payer, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai de 10 jours suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou en partie les biens du débiteur ». (Article 10 al. 2).

  1. Le recadrage de l’instance d’opposition

L’instance d’opposition est recadrée dans le nouvel Acte uniforme.

  • Désormais on note la désignation du juge chargé de procéder à la tentative de conciliation. « La juridiction saisie sur opposition désigne un juge pour procéder à la tentative de conciliation »
  • La tentative de conciliation se déroule en chambre de conseil, c’est-à-dire à huis clos ;
  • Le juge désigné procède à la tentative de conciliation dans un délai de 15 jours ;
  • En cas de conciliation, le juge dresse un procès-verbal de conciliation qu’il signe avec les parties et le greffier. Une expédition du procès-verbal est revêtue de la formule exécutoire.
  • Le procès-verbal se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer, même revêtue de la formule exécutoire.
  • En cas d’échec de la tentative de conciliation, le juge en fait le constat et renvoie l’affaire à la plus prochaine audience publique. La juridiction statue sur la demande de recouvrement, dans un délai de deux mois à compter de la date de la première audience, par un jugement qui aura les effets d’une décision contradictoire, même en l’absence du débiteur ayant formé opposition.
  • La juridiction se prononce sur l’entier litige, y compris les demandes incidentes et défenses au fond.
  1. La réduction du délai d’appel

La décision rendue sur opposition d’une  ordonnance d’injonction de payer est susceptible d’appel dans les 15 jours à compter du prononcé de la décision si celle-ci est contradictoire. Ce délai était autrefois de de 30 jours.

Le législateur dans sa réforme poursuit en indiquant que ce délai d’appel de 15 jours court à compter de la signification lorsque la décision a été rendue par défaut.

La juridiction d’appel statue dans un délai de deux mois à compter de la première audience  qui ne peut se tenir plus d’un mois à compter de la réception du dossier (Article 15 modifié).

  1. La discontinuation des poursuites en cas d’opposition

Si le législateur, indique qu’en l’absence d’opposition dans le délai de 10 jours à compter de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer, ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier peut demander l’apposition de la formule exécutoire, il innove en prenant en compte la possibilité de la discontinuation de la procédure. En effet, lorsque la formule exécutoire est apposée, alors que l’opposition peut encore être formée, le débiteur qui forme opposition peut demander la discontinuation des poursuites à la juridiction saisie de l’opposition. Cette juridiction rend sa décision dans un délai de 15 jours à compter du jour de la première audience (Article 16 modifié al. 3). La décision rendue sur la demande de discontinuation des poursuites  n’est pas susceptible de recours.

  1. La précision des hypothèses dans lesquelles la formule exécutoire peut être apposée sur une ordonnance d’injonction de payer

Dans sa réforme, le législateur indique que la formule exécutoire est apposée sur l’ordonnance portant injonction de payer, lorsque, par une décision non susceptible de recours suspensif :

  • L’opposition est déclarée irrecevable ;
  • L’acte d’opposition est déclarée nul ;
  • La juridiction saisie sur opposition s’est déclarée ou a été déclarée incompétente.
  1. La précision des hypothèses de caducité de l’ordonnance portant injonction de payer

Outre le cas prévu dans l’ancien AUVE et selon lequel l’ordonnance d’injonction de payer est non avenue si la demande du créancier n’a pas été présentée dans les deux mois suivant l’expiration du délai d’opposition ou le désistement du débiteur (Article 17 al. 2), le législateur a dans un article 17-1 nouveau ajouté deux autres hypothèses de sa caducité. Il s’agit lorsque :

  • Le président qui a rendu l’ordonnance portant injonction de payer ou le juge délégué par lui est déclaré incompétent ;
  • La requête aux fins d’injonction de payer est déclarée irrecevable.
  1. La possibilité de tenir des registres électroniques auprès des tribunaux

Outre les registres sur forme papier dans lesquels sont inscrits les noms, prénoms, professions et domiciles des créanciers et débiteurs, la date de l’injonction de payer ou celle du refus de l’accorder, le montant et la cause de la dette, la date de la délivrance de l’expédition, la date de l’opposition si elle est formée, celle de la convocation des parties et de la décision rendue sur opposition, la réforme a prévu la possibilité de prévoir des registres électroniques dans lesquels seront portées les mêmes informations.

 

Par : Guy Armel TAMKAM SILATCHOM